Des équations aux écosystèmes : les mathématiques au service des enjeux concrets

Quand on pense aux mathématiques, on imagine souvent des chiffres ou des formules complexes écrites sur un tableau. Mais pour Sophie Léger Auffrey, professeure agrégée à l’Université de Moncton, les mathématiques sont bien plus que ça : elles sont un outil essentiel pour résoudre des problèmes concrets — qu’il s’agisse de comprendre comment un pneu réagit à une chaussée glacée ou comment les changements climatiques menacent la population de crabes des neiges dans les Maritimes.

« J’ai toujours été intéressée par les mathématiques appliquées, » dit-elle. « Même pendant mes études de premier cycle, je me suis tournée vers des projets qui reliaient les maths au monde réel — comme un projet qui explorait le lien entre les mathématiques et la musique. »

Modéliser pour mieux comprendre

Sophie a d’abord concentré ses recherches sur la simulation de pneus, en collaboration avec des partenaires industriels. L’objectif : améliorer les méthodes numériques utilisées en ingénierie pour modéliser la performance d’un pneu sur différents types de surfaces.

« Le but, c’est de simuler un pneu en mouvement qui peut faire face à toutes sortes de défis concrets », explique-t-elle. « De la boue, de la neige, un trottoir, un nid-de-poule… on veut que le pneu soit capable de résister à toutes ces conditions. »

Cette volonté de modéliser des systèmes complexes pour mieux les comprendre l’a menée vers un tout autre terrain de recherche — cette fois, dans l’univers marin.

Un enjeu local qui touche tout le monde

« Le projet sur le crabe des neiges m’a vraiment interpellée parce que c’est un enjeu local, » dit Sophie. « C’est encore des mathématiques appliquées, mais utilisées pour comprendre un phénomène bien réel, qui touche notre région. »

Le crabe des neiges est une espèce très sensible aux variations de température. Il préfère les eaux froides, et même un léger réchauffement peut nuire à sa survie. À mesure que les océans se réchauffent, son habitat naturel se réduit — une menace sérieuse pour sa population et pour l’industrie de la pêche.

« Si la population n’est pas en santé, il n’y en aura pas assez à pêcher, » souligne-t-elle. « On veut comprendre quel est l’état actuel de la population, et à quoi on peut s’attendre dans les prochaines années avec les changements climatiques. »

Prévoir l’avenir avec les bons outils

En ce moment, les quotas de pêche sont déterminés par le ministère des Pêches et des Océans à l’aide de modèles qu’ils utilisent depuis plusieurs années. Mais Sophie et son équipe travaillent sur un modèle plus global, plus intégré — un modèle mathématique qui tient compte de plusieurs caractéristiques biologiques et environnementales du crabe.

« On veut représenter mathématiquement les caractéristiques clés du crabe des neiges pour pouvoir prédire ce qui va se passer à court et à long terme, » explique-t-elle.

Par exemple, l’incubation des œufs prend normalement deux ans. Mais si l’eau est trop chaude, cette période peut diminuer à un an, ce qui a des impacts majeurs sur le cycle de reproduction. « On est capable d’ajuster nos équations pour intégrer ces changements et analyser leurs effets sur la population. Est-ce que ça va l’augmenter? Est-ce que ça va nuire? Qu’est-ce que ça change? »

Une approche fondée sur les données

Dernièrement, des chercheurs ont observé une chute importante dans une catégorie de crabe — un signal d’alarme. « Il y a quelques années, la population allait très bien. Mais là, on voit une diminution drastique. Est-ce à cause des changements climatiques? C’est ce qu’on essaie de mieux comprendre avec nos modèles. »

Grâce aux données réelles fournies par le ministère, l’équipe de Sophie peut comparer ses prévisions aux tendances observées sur le terrain. « Ça nous permet de voir si on est sur la bonne voie, si nos modèles reproduisent bien les comportements essentiels de la population. »

Un travail interdisciplinaire pour un impact durable

Comprendre la population du crabe des neiges, ce n’est pas juste une question de maths — c’est un défi interdisciplinaire qui fait appel à la biologie, aux statistiques et aux mathématiques.

« On ne peut pas contrôler les changements climatiques à nous seuls, » dit-elle. « Mais on peut contribuer à prendre de meilleures décisions pour s’y adapter. »

Par son travail, Sophie Léger Auffrey démontre que les mathématiques appliquées ont un rôle fondamental à jouer dans notre société. Ses recherches permettent d’éclairer les décisions, de protéger les ressources locales et de mieux préparer les communautés aux défis de demain.

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